Quel est l’aspect qui vous a le plus manqué dans tout ce que vous vivez ici ?
“C’est difficile à dire. Rien que rentrer dans le stade, voir tous les officiels qui se préparent, les couleurs, les lumières, revêtir les habits nationaux, de petites choses comme ça. Et être tout le temps entre nous, c’est une ambiance un peu particulière, on va manger, on va boire un café ensemble, on se voit souvent, on a les team meetings, etc. C’est particulier.”


L’esprit de l’équipe, c’est quelque chose qui vous a vraiment manqué, non ?
“Oui, même si même l’année passée, je m’entraînais aussi, on se voyait quand même souvent, ici c’est différent. On sent qu’on se prépare pour accomplir quelque chose ensemble. C’est un peu, pas un stress, mais une tension qu’on vit à plusieurs. Même si on est très décontractés, assez cool tous ensemble.”
Par rapport à votre meilleur niveau, où en êtes-vous ?
“C’est vraiment difficile à dire, parce que j’ai une préparation différente que pour Istanbul par exemple, pas à cause du cancer de l’année passée mais parce que je me suis blessé plusieurs fois. Et j’ai aussi moins de repères parce que j’ai fait moins de compétitions au niveau que je voulais. L’hiver a été inconstant. Mais si je devais me fier à mes sensations, c’est pas mal, d’autant plus que c’est une piste que j’aime beaucoup. C’est la première fois que j’y cours, j’ai fait des virages hier, j’avais l’impression que ça allait vite. Je me sens rapide !”
Le plaisir est plus grand que la frustration de ne pas pouvoir courir le 400m.
Ne pas courir le 400 m individuel, n’est-ce pas un peu frustrant ?
“Oui, un petit peu quand même, parce que je me sens fort et que j’aurais aimé voir ce que j’étais capable de sortir sur cette piste. Mais là, maintenant, je trouve que le plaisir est plus grand que la frustration. Je suis aussi très content d’être avec Dylan en chambre : c’est important pour moi parce qu’on a fait un long parcours ensemble, on se comprend vraiment bien et on s’est rapprochés encore davantage ces quatre dernières années. Avec quelqu’un d’expérience comme ça, ce sont des moments sympas, bien conscients. Même avec Daniel (Segers) aussi, dont j’ai fait plus ample connaissance cette année, c’est aussi quelqu’un de vraiment super. Il est vraiment marrant ! C’est vraiment un plaisir d’avoir des personnalités comme ça qui arrivent dans l’équipe. En binôme avec Jonathan (Sacoor), ça matche bien.”
On a l’impression que vous êtes passé du côté des anciens !
“Ah, mais on est les vieux là, on est au-dessus de 30 ans. (sourire) Non, plus sérieusement, ce n’est pas forcément l’âge, mais le nombre de championnats déjà vécus. On ressent parfois une légitimité à discuter avec les autres, au niveau stratégie, et à se rassurer. Je ne l’aurais jamais fait il y a 5-6 ans, encore moins quand Kevin et Jo étaient là.”
Quel fut le moment le plus difficile pour vous pendant votre traitement ?
“C’est surtout la peur, l’avenir incertain qui inquiète. La peur d’être lié au monde médical, le risque d’avoir des rechutes, de ne pas pouvoir faire ma vie comme je le veux, d’avoir des handicaps toute la vie. C’était plus ça. Et puis, évidemment, la douleur physique du traitement a été un peu difficile. Mais comparé à d’autres maladies, je n’ai pas eu un parcours trop rude. Il n’y a pas eu de surprises négatives. J’ai fait mon traitement, c’était très dur. Et l’incertitude, c’était très dur. Mais après, on m’a dit que ça irait.”


À quel point cette expérience humaine qui va bien au-delà du sport vous a-t-elle changé en tant qu’athlète ?
“Il n’y a pas tant de différences que ça. À part peut-être ici, où c’est un peu spécial. Sinon, mes entraînements, je les aborde de la même façon. Je n’ai pas plus de motivation, je l’avais déjà fort les deux années précédentes. Et je ne suis pas devenu plus sage, je me suis même blessé deux fois. Ça m’a peut-être rendu plus con. (rires) Non, cela change peut-être dans le rapport avec les gens, avec la compréhension du fait qu’on est tous vulnérables et la découverte du monde médical. Quand on rencontre des gens qui vivent vraiment des situations pires que la sienne, ça remet tout en perspective. C’est juste ça qui m’a changé.”
Los Angeles, c’est trop loin. Il faut que je voie déjà ce que je suis capable de faire cette année.
Les Jeux de Los Angeles en 2028, c’est déjà une perspective pour vous ?
“Peut-être, mais c’est trop loin. Il faut que j’avance et que je voie déjà ce que je suis capable de faire cette année. On verra ensuite. Mon mode de vie, pour le moment, me convient bien. J’aime faire ce que je fais, rencontrer les autres athlètes à Louvain-la-Neuve, vivre cette vie en championnats. Et j’ai cette chance de pouvoir avancer dans mes études à côté, de ne pas être toujours dans le sport. J’ai aussi des ambitions au niveau académique.”
Qu’allez-vous faire après cet Euro ?
“On va calmer un peu et très vite revenir sur une préparation progressive sur 400 m haies. Je n’en ai pas fait pendant trois mois, donc il est temps ! Mais on va y aller étape par étape, sans prendre de risques. Je ne partirai pas en stage avec le relais en Afrique du Sud, c’était vraiment compliqué d’autant que j’ai encore un test oncologique en avril.”