Une politique monétaire restrictive n’est plus à l’ordre du jour dans la zone euro. Dans son communiqué publié à l’issue de sa réunion du 17 avril, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a adopté cette fois un ton résolument optimiste sur l’évolution des prix.
Selon lui, le processus de désinflation est «en bonne voie», notamment dans le secteur des services. Et tandis que la hausse des salaires ralentit, «la plupart des mesures de l’inflation sous-jacente» montrent que la progression des prix au sein de la zone euro est revenue autour de l’objectif annuel de 2% fixé par la BCE.
Conformément à ce qu’attendaient les observateurs, celle-ci a par conséquent abaissé ses taux directeurs de 25 points de base, à 2,25% pour la facilité de dépôt. Il s’agit de son septième geste de détente monétaire depuis le 6 juin dernier.
Un facteur temporaire
En réalité, l’inflation demeure un sujet de préoccupation, surtout avec les incertitudes liées à l’augmentation des droits de douane, estime-t-on chez JP Morgan Private Banking. Mais la BCE fait le pari que ce facteur sera temporaire, alors que d’autres éléments, actuellement à l’œuvre, exercent à l’inverse une pression sur les prix.
C’est en particulier le cas de la baisse des cours de l’énergie (notamment du pétrole) et des matières premières. De même, la forte appréciation de l’euro contre le dollar au cours des deux derniers mois a un effet désinflationniste.
De l’avis de plusieurs experts, cette situation pourrait justifier davantage de baisses de taux que ce que les marchés anticipent aujourd’hui.
En outre, «la transmission de la politique monétaire est perturbée», souligne Valentin Bissat, économiste chez Mirabaud Asset Management. Selon lui, les derniers résultats de l’enquête sur le crédit bancaire dans les pays de la zone euro montrent un léger resserrement du crédit aux entreprises et un fléchissement de la demande de prêts.
Ce qui plaiderait en faveur de nouveaux gestes d’assouplissement monétaire. Valentin Bissat prévoit donc un retour du taux directeur à 2% en juin, puis à 1,5% avant la fin de l’année.
Croissance chancelante
Ce processus de détente monétaire devrait soutenir une croissance aujourd’hui chancelante dans la zone euro. En effet, l’optimisme suscité par le revirement de la politique budgétaire allemande, devenu expansionniste, est retombé après la décision américaine d’augmenter les tarifs douaniers. Car, si près de 60% des échanges européens se font au sein même de l’Union, les États-Unis sont le premier partenaire commercial des Vingt-Sept.
Dans ce contexte, les dernières prévisions de croissance de la BCE, qui tablent sur une hausse moyenne du PIB de 0,9% cette année et de 1,2% en 2026, risquent fort d’être révisées à la baisse. Mais «les réductions de taux d’intérêt ne suffiront pas à protéger les économies de la zone euro, confrontées à des défis et changements historiques», prévient Carsten Brzeski, économiste en chef à la banque ING.
Lors de sa dernière conférence de presse, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a appelé les gouvernements européens à s’atteler enfin aux projets de réformes structurelles, comme le renforcement de la compétitivité industrielle et la création d’un marché unique des capitaux.