Une annonce qui met le feu aux poudres
Lors d’une conférence de presse le 6 mars dernier, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, avait rappelé que la phase préparatoire du projet d’euro numérique devait s’achever en octobre 2025. Il s’agissait alors d’une précision sur une simple étape technique, mais l’information a immédiatement été interprétée sur les réseaux sociaux comme une annonce de lancement imminent.
Le député européen Harald Vilimsky, du parti nationaliste autrichien FPÖ, a ainsi affirmé que la BCE voulait introduire l’euro numérique en octobre
. Cette déclaration erronée avait alors été diffusée en masse, en France, Slovaquie, Bulgarie et aux Pays-Bas. En réalité, aucune décision finale n’a encore été prise et, dans le meilleur des cas, l’euro numérique ne verrait pas le jour avant 2027, 2028. Et encore…
Les rumeurs ne se sont pas arrêtées là. Plusieurs vidéos virales et des figures politiques eurosceptiques ont relancé des idées fausses déjà bien installées : l’euro numérique entraînerait la disparition de l’argent liquide, la BCE pourrait bloquer les paiements à sa guise. Ou encore la confiscation des économies des citoyens par les États Membres. Pour Vicky Van Eyck, directrice exécutive de l’ONG Positive Money Europe, ce flot d’infox traduit une méfiance généralisée envers les institutions centralisées
.
Un enjeu d’autonomie face aux géants américains
Avec les tensions économiques et les récentes décisions de l’administration Trump, le contexte est propice à l’affolement. Derrière le projet d’euro numérique, la BCE veut rétablir son projet et affirmer une stratégie claire : réduire la dépendance de l’Europe aux géants américains du paiement comme Visa, Mastercard, PayPal et Apple Pay. Car cette dépendance expose l’Europe à des risques de pression économique et de coercition
, a rappelé Philip Lane, chef économiste de la BCE.
L’euro numérique permettrait aussi de contrer la montée des stablecoins, ces monnaies privées indexées sur le dollar américain et de plus en plus utilisées. De son côté, la BCE assure que l’euro numérique serait complémentaire aux espèces, et n’auraient pas vocation à les remplacer. Il s’agirait d’un moyen de paiement sécurisé, stocké dans un portefeuille numérique, pouvant être utilisé en ligne ou hors ligne, avec un niveau d’anonymat similaire au cash.
Les européens : le vrai défi de la BCE
Mais le mal est fait et le plus gros défi du moment est désormais de convaincre les Européens. Selon un rapport publié en mars par la BCE, la connaissance du projet est passée de 18 % en 2022 à 40 % en 2024, mais moins de la moitié des sondés se disent prêts à l’utiliser. Avec un constat assez fataliste mais totalement vrai : Si l’on n’a pas l’adhésion du public, l’euro numérique pourrait échouer
.
Bitcoin et banques centrales : Christine Lagarde ne veut pas de réserve en Europe Les Européens ne veulent toujours pas d’un euro numérique