Le message dominant de la ministre britannique des finances, Rachel Reeves, mercredi, était simple : les défis auxquels sont confrontés les décideurs politiques britanniques sont de plus en plus nombreux et leur marge d’erreur s’amenuise rapidement.
La mise à jour budgétaire de printemps du Royaume-Uni a clairement montré que le pays est confronté à de sombres perspectives de croissance cette année et qu’il doit encore augmenter ses emprunts publics.
Cela signifie que les investisseurs pourraient commencer à exiger des rendements plus élevés pour les prêts accordés au gouvernement, ou que le taux de change pourrait devoir s’affaiblir pour les attirer. Le risque existe alors qu’une livre plus faible alimente une inflation encore plus forte, créant ainsi une sorte de boucle fatale.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que M. Reeves doit naviguer dans un environnement très difficile pour la livre sterling et le marché obligataire britannique.
UN RÉPIT À COURT TERME
Les marchés ont bénéficié d’un répit à court terme mercredi, car la mise à jour du budget britannique prévoyait davantage de réductions de dépenses que ce qui avait été annoncé et des plans d’émission de dette légèrement inférieurs à ce que les investisseurs attendaient. Mais la réalité est que les finances publiques britanniques seront mises à rude épreuve dans les années à venir.
Les emprunts de l’État au cours des cinq prochaines années devraient être supérieurs de 47,6 milliards de livres (61,4 milliards de dollars) à ce qui était prévu il y a seulement cinq mois, selon les nouvelles prévisions de l’organisme indépendant Office for Budget Responsibility (Office pour la responsabilité budgétaire).
Et il ne semble pas que la croissance vienne à la rescousse, du moins pas en temps utile, puisque l’OBR a réduit de moitié sa prévision de croissance du PIB pour 2025, la ramenant à 1 % seulement.
En outre, on craint de plus en plus que l’inflation au Royaume-Uni n’atteigne les 4 % dans le courant de l’année, dépassant ainsi l’objectif de 2 % fixé par la Banque d’Angleterre. Et puis, bien sûr, il y a la menace imminente des tarifs douaniers de Washington et d’une guerre commerciale mondiale.
Si l’on met tout cela bout à bout, les risques pour la croissance dans les années à venir sont orientés à la baisse et rien ne garantit que les coûts d’emprunt diminueront en conséquence.
LA BONTÉ DES ÉTRANGERS
Cette proposition est loin d’être la plus attrayante pour les investisseurs étrangers qui jouent un rôle essentiel dans le financement du double déficit commercial et budgétaire de la Grande-Bretagne.
Les chiffres officiels montrent que les investisseurs étrangers détenaient 32 % des 2,08 trillions de livres de dette du gouvernement britannique à la fin du troisième trimestre de l’année dernière. Il s’agit de la part la plus importante depuis 2009 et, si l’on exclut la crise financière mondiale, du pourcentage le plus élevé jamais enregistré.
D’un côté, cela suggère que les investisseurs étrangers ne sont pas trop inquiets de la santé fiscale de la Grande-Bretagne. Mais c’est aussi un risque, car les investisseurs étrangers sont susceptibles d’être les premiers à vendre en cas de choc ou de crise, et donc d’exiger une prime attrayante pour rester dans le pays.
Comme l’a dit Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre, en 2016, la Grande-Bretagne dépend fortement de la “gentillesse des étrangers” pour son financement. Et comme l’a montré la chute des gilts à la fin de 2022, cette gentillesse ne peut pas être considérée comme acquise.
À l’heure actuelle, les détenteurs de gilts bénéficient des rendements obligataires les plus élevés du groupe des pays du G7, ce qui reflète davantage la dynamique éprouvante de l’inflation et de la dette publique de la Grande-Bretagne que des perspectives de croissance positives.
Vikram Aggarwal, gestionnaire d’investissements à revenu fixe chez Jupiter Asset Management, estime que cela suggère que le marché des gilts est bon marché et représente une opportunité d’achat intéressante. Mais ce “bon marché” persiste depuis longtemps, et le poids des exigences d’emprunt sur le marché s’alourdit.
“La détérioration des finances publiques britanniques ne peut être sous-estimée”, a déclaré M. Aggarwal mercredi.
M. Reeves ne la sous-estimera pas, c’est certain.
(Les opinions exprimées ici sont celles de l’auteur, chroniqueur pour Reuters).